jeudi 12 juillet 2007

La maîtresse Fatima.

Hier j'ai reçu un coup de fil bizarre. Un ami qui m'appelle pour me demander si je connaissais N.K, qu'elle disait avoir été ma camarade de classe à l'école primaire et qu'elle voulait absolument avoir mon numéro de téléphone. J'ai bien sur reconnu le nom et lui ai dit oui.

Quelques minutes après, la personne en question m'appelle, et... oui, c'était bien elle, ma camarade de classe et voisine, avec qui j'ai partagé les jeux, les goûters, les moments d'inquiétude face aux contrôles, (de la tarte à cette époque, mais je ne m'en rendais pas compte) et mes appréhensions quant aux changements que je ressentais et vivais en cette période de transition, entre enfance et puberté.. et autres questions pouvant passer par la tête d'une enfant de 11 ans.

J'ai quitté la ville ou j'ai vécu mon enfance pour vivre pendant six mois dans une autre ville, tout à fait inconnue, suivi par un autre déménagement dans une autre ville... bon, je pourrais faire tout un post sur ça aussi...

Je disais qu'après avoir quitté Meknes, j'ai également perdu le contact avec tous mes camarades de classe, avec qui j'avais passé toutes les classes de primaires, voir même la petite maternelle.

Cet appel a donc ravivé énormément de souvenirs dans ma tête, la peur de la maîtresse Fatima, ou la maîtresse lwa3ra comme l'appelaient les "petits" (les plus jeunes de l'école, une fois qu'on soient passé nous à la 4ème, 5ème et 6ème année).

Je me rappelle de la terreur qu'on ressentait quand on entendait cette phrase: SORTEZ LES ARDOISES... Ça voulait dire qu'on allaient probablement vivre les pires heures de la semaine. Le facteur de stress intense n'aidant pas (à l'époque on ne savait pas encore que ça s'appelait 'stress', voire limite crise de terreur et de panique), on oubliait, sauf pour les plus forts et les plus calmes, la différence entre le complément d'objet direct, indirect, l'adjectif, l'adverbe, et les innombrables autres bêtises qu'on devaient connaître par coeur.

LEVEZ LES ARDOISES!

Les mains et les bras qui tremblent, les yeux qui commencent à cligner dangereusement, les pieds qui se tordent, les regards qui se baissent, les larmes qu'on essaie de cacher... même si on a la réponse correcte. On ne sait jamais.

La maîtresse Fatima qui passe entre les tables, un sourire pour les brillants de la classe, moins de trois si je me rappelle bien, et un regard perçant pour les autres. Un regard ne présageant rien de bon.

TENDS LA MAIN!

Vlam, la longue règle en bois ou en fer, selon le hasard, s'abattait sur les petites paumes douces des enfants que nous étions. Être à la place de celui qui tendait une main tremblante, et qui criait de douleur avant même que le coup l'atteigne, ou être assis à coté de lui. L'effet était le même. Pour moi en tout cas.

J'avais mal, parce mes mains devenaient rouges, voire bleues, brulantes et portant la marque des coups. Je n'arrivais pas à arrêter leur tremblement pendant de longues minutes.

Mais il y avait aussi la douleur psychologique, le sentiment d"humiliation et de colère refoulée. Pourquoi moi? pourquoi cette humiliation? qu'est ce que j'en ai à foutre que ce soit du passé composé ou du passé simple? Je n'en avais rien à cirer!!!

Bon, à l'époque, je ne m'exprimais, ni ne pensais, en des termes aussi crus. Mais c'est Saba l'adulte qui parle maintenant, et elle a un vocabulaire des plus fournis (et je m'auto censure encore, non non, vous ne voulez pas savoir, je vous assure!! lol)

Je n'aimais dans cette classe de français que les expressions écrites, j'adorais ça. Ça me permettait d'écrire, d'inventer, de chercher mes mots... ça me permettait de m'évader..

Je n'oublierai jamais le jour ou la maîtresse Fatima, corrigeant nos cahiers d'expression écrite à la couverture rose , assise derrière son bureau, m'a appelé et m'a demandé de venir la voir à son bureau. Je l'ai regardée, les yeux grands ouverts de peur et d'appréhension. J'ai marché vers elle, comme on marche pour aller à la guillotine:

C'est toi qui a écrit ça? (une expression écrite ou il fallait rédiger une fin à la partie écrite sur le tableau)

O o o o oui...

Tu es sure???

O o o o oui...(voie tremblotante et imagination fertile qui se voit sous la torture pour une quelconque faute d'orthographe).

Mais c'est magnifique, c'est excellent!! Je ne savais pas que tu pouvais écrire comme ça!!!!

O o o o oui... (bah oui, j'avais peur qu'elle ne fut en train de se payer ma tête pour mieux sévir ensuite)

C'est très bien! continue comme ça!

O o o o oui... (toujours sous le choc! elle attend peut être que je lui tourne le dos pour qu'elle me poignarde dans le dos!! j'ai précisé que mon imagination était fertile, n'est ce pas?)

Pendant des mois, j'ai fait des cauchemars à cause de cette scène. Je me réveillais toujours en sueur juste au moment ou j'atteignais le bureau, entendant sa voix crier, hurler, vociférer que je n'étais pas digne d'être là, que mon frère (qui était déjà passé par là aussi le pauvre) n'aurait jamais fait une bêtise pareille, une faute impardonnable, une connerie du genre! Je voyais ses doigts s'avançant vers moi.... mon cœur battait de toutes ses forces.

Ce n'est que quelques minutes après mes réveils en sursaut que je me rappelais qu'il ne s'était rien passé, et qu'elle m'avait appelé pour me FÉLICITER.

J'ai certainement vécu de bons moments aussi dans cette école, et peut être même avec cette maîtresse aussi. Mais ma mémoire ne garde que des moments de terreur, de peur, de malaise profond, de douleur et d'impuissance.

Je l'ai revue la maîtresse Fatima.

Mais ceci sera pour un autre post.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

coucou, c mamat lilya lol
ton post m'a rappelé un souvenir d'enfance: le jour où fatima-azzahra a déchiré mon cahier sans que je m'en rende compte, ce qui m'a valu une punition exemplaire et une humiliation sans précedent:)
comme quoi, l'enfance n'est pas la longue parenthèse de bonheur qu'on croit...

SABA a dit…

Ahlan ahlan ahlan wa mar7aban!! nhar kbiiiiiiiir hada!! ha siniya dial atay!!! lol

Wayeh, et puis c ki le connard ki a dit ke cété une parenthese de bonheur? il est amnésique je parie!!

Bisous a Lilya et sa maman!